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Éric Lenoir, jardinier punk « on peut faire quelque chose de beau, d’écologique et de pas cher. »

Un jardin punk ! C’est ainsi qu’Éric Lenoir, pépiniériste et hôte WWOOF définit son domaine bourguignon. L’écrivain jardinier, auteur du Petit traité du jardin punk, a créé un lieu beau, écolo, cultivé sans effort.

Cet article d’Elodie Horn a été publié dans Village Magazine, qui le partage gratuitement avec notre association. Merci à l’équipe de cette publication indépendante qui s’engage pour la vie des campagnes durables et solidaires. Plus d’infos à la fin de l’article.

Chemise en lin ouverte, jeans élimés et lunettes sur le nez, Éric Lenoir nous accueille sur sa pépinière de plantes aquatiques, sous un soleil de plomb. « Je suis justement allé chercher du café, vous en voulez ? » demande-t-il tout en rinçant les tasses à l’eau claire, avant de se rendre dans la petite caravane aménagée avec le strict nécessaire. C’est au cœur du département de l’Yonne – « connu pour son club de foot et ses tueurs en série », plaisante Éric Lenoir – qu’il a décidé de s’installer en région Bourgogne-Franche-Comté, après avoir passé la majeure partie de son enfance en Île-de-France. « Je suis né dans le 9-3 (département de la Seine-Saint-Denis, NDLR), à Rosny-sous-Bois dans l’Est parisien qui était, quelques décennies plus tôt encore, un village », souligne-t-il. Marqué par ces journées passées le nez collé à la vitre, avec pour seul horizon ce parc HLM, il se promet dès sa plus tendre enfance qu’il quittera la capitale.
« Je voulais partir plus loin mais je me suis arrêté à mi-chemin » ;
le département de l’Yonne, où il est arrivé en 1998, étant à moins de 200 km de Paris. De son terrain, il a désormais un horizon bien plus lointain, « ici on voit à 40 bornes à la ronde et surtout je peux arpenter toute la nature que je souhaite », précise-t-il.

Chardons et herbes folles

C’est au détour d’un chemin de terre qu’il a décidé de créer « le Flérial », sa pépinière spécialisée dans les plantes aquatiques, un nom trouvé par sa fille qui associe leurs trois prénoms : Éric, Flora et celui de son frère, Dorval. Il exploite plusieurs serres afin de faire pousser ses plantes qu’il propose à la vente. Il s’en occupe à la marge, n’ayant aucun modèle économique et avec pour seul but de payer son employé. Son attention est tournée vers son jardin expérimental qu’il définit de « punk ». Mais comment un jardin peut-il être punk ? «Rien n’est soigné, aucun engrais n’y est utilisé. Sa visée est purement ornementale, écolo, et nourricière. J’y implante essentiellement des espèces récupérées, notamment auprès de copains pépiniéristes.
Je créé simplement des chemins pour pouvoir déambuler », détaille le jardinier de 46 ans. Il lui a fallu plusieurs années pour le dénicher. « La seule raison pour laquelle on a bien voulu me le céder, c’est que le terrain est difficile. Sans connaître personne, c’est compliqué de trouver », souligne-t-il en nous emboîtant le pas au milieu de cet hectare et demi de terrain où herbes folles et chardons se succèdent. Une fois acquis, en bon punk, il décide de ne rien y faire. « J’ai passé un an à observer sa flore, sa faune, son microclimat, le paysage dans lequel il s’inscrit. Ce qu’il est intéressant de constater, c’est que la nature du sol va avoir une influence sur la végétation », précise le jardinier dont l’action se cantonne généralement à limiter les chardons et à rafraîchir
les chemins à l’aide d’une faux.

Beau, écologique et pas cher

« J’aime me balader dans mon jardin et même si j’expérimente beaucoup de choses, je dessine tout de même sa composition », explique cet ancien « bon élève qui ne foutait rien » et ne se vouait pas à une carrière de pépiniériste. « J’ai suivi un cursus de paysagiste à l’école du Breuil à Paris. J’ai voulu apprendre un vrai métier qui allie l’accès à la nature, la création et des études qui ne soient pas payantes, par principe. » Il connaît par cœur tous les arbres et toutes les plantes présentes sur son terrain. « Mon but est de montrer que l’on peut faire quelque chose de beau, d’écologique et de pas cher. J’en ai eu marre de grandir dans des endroits moches. Mon jardin expérimental est aussi prosélyte », sourit-il tout en cueillant des fruits issus de l’amélanchier, un arbuste donnant des petites baies sucrées. Un peu plus loin, on distingue un bois, séparé de son terrain par un champ, son second terrain qu’il présente avec fierté. « Au lieu d’un champ d’orge ou de colza, il y a désormais un bois que je peux sauvegarder. Cela permet de se rendre compte de ce que serait le Flérial si je ne m’en occupais pas du tout. »
Éric Lenoir est loin de ne vouloir prêcher la bonne parole qu’aux curieux qui viendraient s’aventurer dans son jardin. Pour toucher
un champ plus large, il a choisi l’écriture et a travaillé dix ans sur son Traité du jardin punk. Grâce à la sortie du livre et sa médiatisation, il intervient régulièrement lors de conférences et d’événements liés au jardinage ou à l’environnement. « On me dit souvent que je travaille beaucoup mais je n’ai pas cette impression », plaisante le pépiniériste qui a déjà trois ouvrages à son actif. Son écriture s’affinant, tout comme sa pensée, son moteur est de toujours se demander quelle est la valeur ajoutée qu’il apporte à son métier. Malgré ses activités de pépiniériste et de scribouillard, Éric Lenoir se définit avant tout comme punk. « Nous avons en commun cette colère et cette rage, fréquentes dans ces cités bétonnées à échelle inhumaine où finalement j’ai découvert des personnes très sincères, qui souvent ont surtout du mal à trouver leur place dans la société qu’on leur impose », analyse le jardinier. Avant de rappeler qu’à la racine, être punk signifie rejeter tout ce que l’on trouve absurde et injuste, et de se satisfaire du reste.

Autrice : Elodie Horn


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Soyez écolo et rebelle !

« A force de chercher la nature, on finit par la trouver » !

Concept radical et provocant, le jardin punk est une invitation à pratiquer le jardin autrement, au-delà des conventions, avec son instinct et son intuition. Il est nécessaire parce qu’il répond aux problématiques actuelles de l’écologie appliquée pour amener de la biodiversité dans chaque parcelle du quotidien et à l’embellissement de notre environnement quels que soient les connaissances, moyens financiers, etc.

Conçu pour que le néo jardinier ne voie pas son envie de jardiner bridée par sa méconnaissance ou les idées préconçues (par lui-même ou les autres), l’objectif de cet ouvrage est que chacun mesure à quel point il lui est possible de créer, quoiqu’il arrive, un espace beau et écologique.

Adoptez la culture punk pour créer un jardin impertinent et apprenez à le gérer en restant fainéant, rebelle, fauché et écolo !

Cet ouvrage a reçu le Prix Saint-Fiacre 2019, décerné chaque année par l’Association des Journalistes du Jardin et de l’Horticulture (AJJH).

Auteur : Eric Lenoir

Collection : Champs d’action

Thématique : Société

Description : 96 pages ; (15 x 21 cm) .

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