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« J’ai été surpris quand elle m’a dit qu’elle devenait éleveuse de cochons… »

Alors qu’il expérimente l’autonomie dans une ferme collective, Clément retrouve Noémie, une brillante copine de promo reconvertie en éleveuse de porcs noirs dans le département voisin. Intrigué, il l’accompagne et l’observe pendant un an.
Produire de la nourriture bonne et saine. Élever dans le respect du vivant (en bio et en plein air). Ces bases du métier se heurtent à la concurrence de l’élevage industriel. Ensemble, ils racontent le récit bouleversant de cet acte de résistance dans ce livre « Plutôt Nourrir ». Nous en partageons quelques extraits parce que nous l’avons adoré.

Droits photographiques : Clément Osé

Extrait de Plutôt nourrir, l’appel d’une éleveuse, Noémie Calais, Clément Osé, éditions Tana, septembre 2022

« J’avais rejoint une ferme collective en cours d’autorénovation, bientôt autonome en énergie, en eau, en légumes, et d’une radicalité qui me faisait grand bien. En vaillant néorural, je m’initiais à la construction, à la boulangerie, au potager, au poulailler, à la tonte des moutons. J’avais découvert les échardes et les ampoules à la base des doigts, le vent qui arrache les serres, le mildiou et le chiendent. Je jardinais, mais je ne nourrissais personne d’autre que les habitants de ma ferme, et mes revenus ne dépendaient pas de ma modeste production potagère, n’étaient pas trop soumis aux intempéries. Noémie, elle, avait entrepris de vivre de l’agriculture, de s’y consacrer à plein temps, d’aller sur le marché. Je me suis dit qu’elle allait plus loin et plus fort dans la paysannerie.

« Son activité détonnait chez les néoruraux en quête de bucolique dans mon genre »

Elle m’intriguait. Son activité détonnait chez les néoruraux en quête de bucolique dans mon genre, souvent plus enclins à cultiver des plantes aromatiques qu’à élever et à découper des porcs. Quand même. Je me demandais à quoi ressemblait son quotidien, comment elle le vivait dans sa tête et dans son corps, elle qui venait de si loin. J’imaginais l’élevage et la boucherie comme des milieux très masculins, et je supposais que ça ne devait pas toujours être évident d’être une femme, ou une éleveuse d’ailleurs, à une époque où le sujet de la viande était devenu aussi polémique. »

« Elle travaille en plein air, en bio, en circuit court, au sein d’un collectif fermier. »

En ce qui me concerne, j’ai arrêté d’en acheter à cause de son empreinte écologique, parce qu’on n’a pas assez de place et de ressources sur terre pour généraliser le régime alimentaire du Français moyen. Dans le fond, je me demande à quelles conditions on pourrait nourrir durablement tout le monde, c’est-à-dire sans détruire l’environnement, sans épuiser les ressources, sans trop réchauffer le climat. Je me demande si l’activité de Noémie y contribue. Son modèle est exemplaire : elle travaille en plein air, en bio, en circuit court, au sein d’un collectif fermier. Mais est-ce que la production de viande est un luxe qu’on peut encore se permettre ?

« Témoigner du monde nouveau, joyeux et subversif qui naît par nécessité. »

Quand je lui ai parlé de faire un livre, Noémie m’a répondu qu’elle en avait eu envie souvent mais que le temps lui avait toujours manqué. Elle m’a dit qu’il y avait besoin de faire connaître le travail des petits éleveurs pour sortir d’un débat confisqué par le manichéisme, par le « pour ou contre l’élevage », par l’opposition binaire entre véganisme et industrie de la viande, qui occulte la possibilité d’une autre relation à l’animal, à la vie, à la mort. Elle voulait remettre sur la table le vécu et les vérités de terrain pour lutter contre la déconnexion générale vis-à-vis de l’alimentation, dire les absurdités et les injustices imposées aux paysans, relayer leur lutte et leur appel, et surtout témoigner du monde nouveau, joyeux et subversif qui naît par nécessité.

« Elle ouvrirait ses carnets pour livrer ses mots bruts, sans filtre »

On a convenu d’écrire à deux, de raconter son histoire pour parler de la société et de faire rebondir nos points de vue. En ce qui me concerne, j’alternerais entre le rôle du biographe et celui de l’observateur. Noémie, elle, ouvrirait ses carnets pour livrer ses mots bruts, sans filtre.

Entre décembre 2020 et novembre 2021, je suis allé quatre fois dans le Gers pour partager le travail, le quotidien et les conversations de l’éleveuse de porcs noirs. »



👉 Pour proposer son aide à Noémie et apprendre à ses côtés

Les cochons aiment aussi pâturer et ils trouvent une partie de leur alimentation en fouissant dans le sol.
DR : Clément Osé

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