J’avais rencontré Lucile lors du Festival WWOOF à Lyon, puis dans la Drôme lors de la dernière AG de l'association. Bénévole investie, elle m'avait raconté son projet d'installation en collectif. Et bien ça y est, c'est parti : elle cultive la terre avec Jean-Mat’, Fanny et Khalil prés de Limoges. Ils ont accepté de partager un peu de leur vie paysanne avec moi.
Leur aventure maraîchère sur sol vivant a débuté ce début d’année, en janvier 2022. Je suis touché par la diversité que cette joyeuse équipe a été capable de produire en à peine un an de travail. En plus ils transforment puis vendent leurs produits eux-mêmes, à la ferme et au marché d'à côté, à Ambazac.
Vous qui lisez ce billet de blog et qui êtes aussi avides de WWOOFing que moi, je ne vais sûrement pas vous apprendre ce qu'est le maraîchage sur sol vivant (MSV). Mais dans le doute et pour la faire courte, l'idée est de reconstituer dans les parcelles agricoles le cycle naturel de la fertilité des sols. En d'autres termes, le sol y est vivant ! Pas de pesticides, pas de labour intensif, ni de grosses monocultures qui mettent un terme à toute forme de vie dans le sol, au contraire, l'idée est de lui apporter assez de matières organiques pour favoriser la vie dans le sol (bactéries, insectes, champignons, etc.).
Si je ne m'attarde pas plus sur la manière de cultiver ici, c'est que s'annonce une journée assez spéciale. Aujourd'hui, nous serons une bonne vingtaine sur la ferme car elle participe au programme WWOOFing Solidaire. Vous saviez qu'ils faisaient ça WWOOF France ?
Lucile a été une des initiatrices de cette action. Elle m'explique tout. D'un côté des fermes-WWOOF qui ont la pratique de l'accueil, du partage de leur vie quotidienne et sont très attachées aux valeurs comme la solidarité et l'entraide. De l'autre, des demandeurs d'asile, isolés et contraints à l’inactivité dans l'anonymat des villes. WWOOFing Solidaire leur propose de se réunir. Les fermes ouvrent leur portes et leur terrain pour quelques jours en plein air, pour sortir des murs des villes, s'aérer l'esprit et s'immerger dans la langue et la culture d'une ferme paysanne . Elle m'explique aussi que ce programme est encadré par l'association WWOOF France et des associations spécialisées dans l'accueil de demandeurs d'asile, comme JRS France, via leur programme Ruralité.
Chacun·e vient d'un pays différent. Au début, nous avons du mal à engager la conversation. Puis vient le moment de mettre les mains dans la terre, avec la plantation des salades et des choux, le démontage des planches de cultures pour préparer l’hiver, et enfin la récolte et la préparation du purin d’ortie pour le jardin. Très vite la timidité tombe et fait place aux rires et à la joie. Travailler ensemble nous facilite le contact. Nous sommes fiers de ce que nous avons pu faire les uns avec les autres.
Je réalise que la richesse de notre monde est de tout pouvoir cultiver, faire grandir. Notre terre, mais aussi et surtout, nos liens humains.
À tous, Lucile nous fait découvrir une plante encore peu connue : l'ortie. C'est est une de mes plantes favorites. Déjà, c'est une plante délicieuse en pesto, en soupe ou cuit comme les épinards (petite astuce culinaire, au passage, pour faire un bon pesto, quelque soit la plante que vous utilisez - basilic, bourrache, plantain, etc. - enlevez bien l'eau des feuilles une fois lavées !) Après quelques tartines, Lucile nous apprend à préparer un purin d'ortie. Cette fois ça ne se mange pas ! C'est un insecticide naturel et un engrais naturel riche en azote, qui favorisera la croissance des végétaux tout en les rendant plus résistants aux maladies. Le purin d’ortie dilué est généralement employé au début du printemps pour booster la croissance des feuilles et des tiges des végétaux.
Nous sommes ensemble dehors et l'automne nous enveloppe. J’ai toujours été touché par l’automne, c'est une saison où tout revient à la terre. Une saison où les couleurs changent et me rappelle que tout est cyclique, qu’il y a un temps pour ralentir et relâcher toute cette énergie accumulée durant l’été pour imaginer la suite... Et surtout, une saison pour récolter les châtaignes.
Peut-être qu'en ce moment-même vous êtes aussi en train de faire la même chose que nous... Que ce soit en confiture, en soupe, au feu de bois, en automne, la châtaigne est un cadeau du Vivant qui a su nous éviter pas mal de famine. Mais... avant de se régaler de ce fruit ultra riche en nutriments, il y a toujours une étape délicate, longue et fastidieuse : celle de l'épluchage. Alors au lieu de la cuire au four ou à l'eau bouillante, dans la grange, un roulement de tambour bat son plein...
Khalil utilise une machine à laver modifiée pour griller la peau des châtaignes au chalumeau avant de nous les faire passer. À l'aide du moteur d'une ancienne perceuse couplé au tambour de la machine à laver, cette solution low-tech de récup' nous fait gagner plusieurs heures d'épluchage. La peau s'enlève en un rien de temps. De quoi rendre jaloux·ses les plus grand·e·s fan·ne·s de ce petit fruit d'automne.
Avec mon regard lié à la permaculture, je ne peux m'empêcher de penser aux grands principes de cette culture de la permanence. Des principes initialement pensés pour le jardin par deux chercheurs australiens, David Holmgren et Bill Mollison, qui prennent tout leur sens appliqué aux rapports humain·e·s dans cette ferme.
La lisère entre une forêt et une prairie, où les arbres, buissons, fleurs se côtoient au plus près, comme ici. À la lisière de différentes cultures qui épluchent ensemble des châtaignes pour passer un après-midi sous le regard bienveillant d'un jeune rouge-gorge curieux de notre activité.
Après quelques jours dans la ferme, je repars le coeur plein de joie. Heureux, une nouvelle fois, d'avoir rencontré des humain·e·s aussi sensibles.
Après plusieurs années sur la route du Permacooltour, en chemin vers l'autonomie et la résilience, rencontrer les paysannes et paysans qui oeuvrent pour un avenir commun et la régénération de nos paysages a bouleversé ma vision du monde. Plongé au coeur d’une culture liée au Vivant, je plonge mon regard à travers mon appareil photo et découvre une passion sans égal à mettre en valeur des initiatives inspirantes. La joie me guide et me fait grandir au coeur de ce grand livre du Vivant !
"Habiter cette terre avec conscience est peut-être la plus belle des choses à expérimenter."
Lire davantage
Une fois par saison, l'actualité du WWOOFing par email