En quelques jours chez Hugo dans le Tarn, j'ai découvert qu'une quinzaine de personnes s'étaient rapprochées de cette ferme isolée mais préservée. J'ai suivi le fil de ces énergies nouvelles.
"Viens on va aux champignons !". En ce mois de juillet, des cèpes superbes ont poussé dans le sous-bois. J'y vais à grands pas, trop heureuse de suivre Hugo dans la fraîcheur de cette forêt où il passé une partie de son enfance . Cueillette, pêche... des étés de bonheur passés à courir dehors à la ferme de ses grands-parents. Mais le temps passe, la ferme se vide.
"Quand la famille a voulu vendre la ferme, j'ai eu un choc existentiel. Se séparer de ce paradis préservé, d'eau, de terres et de bois ?! Je ne pouvais pas l'imaginer. À ce moment là, j’étais c onducteur d’installation dans l'industrie du blé. Je bossais au milieu d'immenses silos. J'ai décidé de changer de vie."
"Mes parents n'étaient pas chauds du tout "toi, seul là-bas ? Sans diplôme agricole ?! "
Côté agricole , j'ai commencé par découvrir un peu chez Edwidge et Philippe, des amis de la ferme voisine, puis j'ai fait un parcours qualifiant. Côté solitude , j'ai aussi trouvé la solution là-bas. Car chez eux, je fais la connaissance de Maiu, tchèque d'origine vietnamienne . Je me suis demandé comment une personne qui vient de si loin pouvait atterrir dans un lieu si paumé ?! On m'explique le principe du WWOOFing "des gens qui viennent de partout pour partager un autre mode de vie, le tien, pour t'aider à la ferme et découvrir avec toi." Être isolé et en même temps en contact avec le monde entier qui vient sur ta ferme. Là je me suis dis que j'avais réglé la question de la solitude. "
On rentre avec un énorme panier de cèpes. Ce soir, on fête les 37 ans d'Hugo. Il adore cuisiner et nous régale avec une immense omelette. Anne et Daniel nous rejoignent, ils ont décidé de se détacher de la ville et de se rapprocher d'Hugo et de la ferme. Il y a maintenant une kiné et un architecte à côté de Lou Claus. En discutant, je réalise qu'une quinzaine de personnes ont fait de même, comme attirées par le magnétisme du coin. Je vais creuser ce phénomène :)
En occitan, Lou Claus signifie "le clos". Dur d'imaginer un aussi grand écart avec la vie de ce lieu ouvert sur le monde. Amis, famille, bénévoles... Près de 200 personnes ont séjourné sur la ferme depuis qu'il lui a redonné vie il y a sept ans.
Parmi elles, certaines sont revenues et y développent de belles racines. Je rencontre Nino. Il a fait connaissance avec Hugo lors d'un WWOOFing chez lui il y a quelques années en arrière. Puis, il est revenu l'année suivante, puis celle d'après : " je me sentais vraiment bien sur ce territoire. Quand je rentrais je sentais qu'il y avait un truc qui me manquait. J'étais bien dans ce contact avec la nature. C'était un univers concret, déconnecté de cette ambiance capitaliste. " Les amis d'Hugo deviennent aussi les siens, et leur vision commune du monde tissent des liens forts entre eux. Assez pour que Nino décide de se lancer, "de passer de l'autre côté " et de rejoindre l'aventure Lou Claus aux côtés de Hugo .
Au moment où on se rencontre, il vient de terminer son BPREA (brevet professionnel responsable d'entreprise agricole). De WWOOFeur à ami, les liens se renforcent encore jusqu'à envisager de travailler ensemble. Les défis sont grands à relever : chacun devra trouver sa place et surtout trouver un point d'équilibre économique. Mais ce que j'observe me rassure : je vois deux personnalités ultra-complémentaires. Je sens qu'ils ont l'habitude de travailler ensemble à leur capacité de se comprendre en silence.
Au moment de s'installer, il y a 10 ans, Hugo a d'abord travaillé une parcelle en maraichage. Mais le terrain en pente et l'exposition ont fait changer ses plans. Il a préféré développer des cultures de petits fruits bio : fraises, myrtilles, framboises, cassis, groseilles. Aujourd'hui, une partie de sa production de petits fruits est commercialisée, et l'autre est transformée en sorbets qu'il vend sur commande et en vente directe au marché .
Facile d'être sûr de la qualité de ses produits lorsqu'on transforme ce que l'on cultive soi-même : "Pour nos sorbets, on privilégie toujours les variétés avec une bonne qualité gustative."
L'autrice, WWOOFeuse et photographe : Cloé Harent
Le soir, Hugo et Nino m'embarquent chez Raphaëlle et Édouard, des copains à eux qui retapent une vieille ferme . Il était chercheur en économie, il s'est reconverti en couvreur-zingueur.
Ça fait du bien de décompresser et de refaire le monde ensemble. Parmi les amis, il y Alan, 30 ans. À force de revenir dans un coin, on commence à s'attacher ! Il dit qu'il aime bouger. Il vadrouillera jusqu'à trouver son point de chute. Quand on lui demande, il dit que son coeur balance entre ici avec les amis, et la Bretagne, où il a sa famille.
"Ça te dit de rencontrer encore une autre WWOOFeuse venue s'installer ici ?" Pour ça, il faudra se lever à 5h du matin . Hugo m'emmène au fournil communal, à la rencontre de Raphaëlle. Arrivée ici avant le Covid-19, elle est non seulement devenue sa meilleure amie, mais aussi une paysanne-boulangère qui cuit un pain bio au levain travaillé avec des variétés anciennes de blé.
Originaire de région parisienne, c'est à Lou Claus qu'elle a rencontré des paysans-boulangers pour la première fois. Puis l'idée ne l'a plus quittée. Elle pu se faire la main dans le four à pain des voisins d'Hugo pendant le confinement. Elle a passé un CAP-boulangerie, puis Hugo lui a présenté Michel, le maire du Rialet . Déterminé à faire vivre le village, il a tout fait pour développer un fournil communal qu'elle partage avec deux autres boulangères. Grâce à sa volonté, le village de 50 habitants compte aussi une auberge et une maraichère...
Au moment du lancement, sa jeune entreprise a résisté à l'inflation car elle se fournissait auprès de paysan tarnais qui n'exportent pas leur production, donc qui ne sont pas soumis aux variations du marché mondial . Aujourd'hui, elle commence à produire son propre blé ... À l'endroit même où, lors de son premier de WWOOFing, elle avait ramassé des pommes de terre avec Hugo.
Les principales activités consistent à récolter et transformer les petits fruits en sirops, sorbets, et autres confitures. Il s'agit aussi d'entretenir les cultures et de participer aux marchés et festivals.
Équipés pour la cueillette, nous nous dirigeons vers les parcelles quand soudain, un bourdonnement nous rend silencieux . On lève le nez et on découvre un cadeau incroyable accroché à la branche d'un frêne : un essaim d'abeilles !
Incroyable ! Comment ne pas voir le lien avec ce qu'il est en train de se passer sur place ? Des jeunes qui viennent voir Lou Claus, font connaissance et sont charmés par l'endroit, ses habitants et son projet, et ne repartent plus. Je sens bien qu'ils apportent une énergie qui revitalise ce territoire. Il se passe quelque-chose de beau ici...
Il est temps de raconter nos aventures et de tisser nos histoires hors des sentiers battus.
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