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Article mis à jour le 12.02.2021

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"J'ai testé plusieurs types d'éco-lieux avant de m'installer"

Vivre en éco-lieu est très tentant. Mais pas forcément si simple, car trouver un lieu qui nous convient nécessite de passer par un temps d’introspection et d’accepter une grande part d’aventure.

On parle d’écovillage, d’éco-hameau, d’éco-lieu… mais aussi de tiers-lieux, d’oasis, d’arches, d'habitats participatifs. Un grand lexique qui regroupe modes de vie alternatifs, autosuffisance, communauté, écologie, ruralité… Derrière ces mots se trouvent des personnes qui construisent et explorent des nouveaux espaces et façons de vivre ensemble. Victoria, Karla, Delphine et Alexis ont chacun à leur manière défini l’éco-lieu.

Partir à la découverte de l’éco-lieu de ses rêves

Un jour, elle en a eu assez : Victoria a quitté son travail d’orthoprothésiste pour mettre en pratique ses idéaux écologiques et donner des coups de main dans des fermes. Inspirée par ce qu’elle y découvre et forte d’une grande détermination pour faire changer les choses, elle décide, après plusieurs mois à sillonner l’Europe, de s’installer dans un éco-lieu. Encore faut-il le trouver ! “Le réseau de WWOOF France, la Carte des Oasis du mouvement colibri et Passerelle Éco sont des ressources très utiles pour me mettre en lien avec les lieux qui me parlent”. 

"[Le WWOOFing à la Rocale] m’a permis de mieux cerner les critères qui me sont essentiels dans ma recherche"

Depuis le début de l’année, elle en a visité quatre. Pour elle, la question du pourquoi ne se pose pas vraiment : “Filer un coup de main environ 25h par semaine sans avoir besoin d'argent (ni en recevoir, ni en dépenser) est aussi un moyen de me détacher du système financier dans lequel j'ai travaillé et qui m'a épuisé… L’éco-lieu me ressource, et mon envie d’en rejoindre un s’est confirmée quand, après le premier confinement, j’ai passé 6 mois en WWOOFing à la Rocale, dans le Tarn.”

Prendre le temps de découvrir de nombreux lieux avant de se lancer est essentiel. Il faut aussi savoir être patient : on ne comprend pas la complexité d’un lieu en une semaine : “Ce fut très enrichissant, ça m’a permis de mieux cerner les critères qui me sont essentiels dans ma recherche. Par exemple : je souhaite rejoindre une communauté qui serait comme une grande famille, avec de nombreux moments partagés. Et surtout qu’il y ait une vraie considération émotionnelle, avec des réunions où l’on se rassemble pour parler de ce qu’il se passe en nous.”

« Le vivre ensemble est souvent la première difficulté rencontrée par les collectifs. »

Dans la définition de l’écolieu, l’autosuffisance est centrale. Mais pour Victoria ce n’est pas l’autonomie alimentaire qui prime : “bien sûr, la quête d’autonomie est importante. Mais ce n’est finalement qu’une question de moyens (financier, matériel et d’investissement personnel). Tandis que le vivre ensemble est souvent la première difficulté rencontrée par les collectivités : comment répartir les charges, comment prendre des décisions…”

Pendant ces six mois à la Rocade, elle a eu le temps d’apprendre beaucoup et de se poser les bonnes questions. Maintenant, elle sait ce qu’elle veut et passe plus rapidement dans les lieux qu’elle visite. “Une semaine me laisse assez de temps pour savoir si je ne veux pas y vivre. Par exemple, si je constate que la considération émotionnelle est peu ou pas présente, je sais qu’à long terme des non-dits peuvent s’accumuler et créer des conflits, ce que je souhaite éviter.” En une semaine à l’Arche de la Borie Noble, “un endroit fantastique avec des activités multiples”, elle a déjà pu analyser beaucoup de choses. Les personnes vivent sur le lieu comme une grande famille, avec beaucoup de bienveillance. “C’est un lieu qui fait partie de ma liste « lieu où je me vois vivre »”.

La Borie Noble, « c’est un lieu qui fait partie de ma liste lieu où je me vois vivre »

Dans cette quête de l’éco-lieu de ses rêves, elle sait bien qu’il faudra faire quelques concessions : “aucun lieu n’est parfait, mais ce qui importe pour moi c’est la capacité de résilience (d’épanouissement après un trauma) qu’un collectif peut avoir. Après 60 ans d’existence, l’Arche de la Boris Noble est un bel exemple de lieu résilient.”

Le plaisir de partager espaces communs en extérieur

Karla est anglaise et vit à Port Vendres, près de Colliure. Pendant l’été 2018, elle part explorer la région en WWOOFing et rencontre Marie, qui a fondé le collectif la Souris Verte. “je suis partie faire mon enquête" : un petit trajet de 70 km lui suffit pour passer de son appartement face à la mer Méditerranée à la vie en éco-lieu au massif du Canigou.

« Tu peux te retrouver à avoir un mode de vie casanier et personne ne rêve de ça. »

Son expérience l'a ravie “tout ça, c'est grâce à Marie. Le projet tient beaucoup à sa personnalité charismatique, sa clairvoyance, son intelligence et son courage". Cela fait plusieurs années que Karla se renseigne sur ces modes de vie alternatifs, et elle connaît, sur le papier, les enjeux que les communautés peuvent rencontrer "j'ai lu beaucoup de choses là-dessus et les difficultés sont surtout sur la gestion de l'espace intérieur, au Royaume-Uni. Tu peux te retrouver à avoir un mode de vie casanier et personne ne rêve de ça. L'organisation des communs en intérieur devient problématique". Et une solution, d'après Karla, se trouve dans... des journées ensoleillées. En effet, pour Marie de la Souris Verte "la météo est vraiment de leur côté : la communauté s'organise autour des espace extérieurs, et les espaces intérieurs sont privés. Les gens ont leur intimité, et se retrouvent régulièrement. Ca marche bien et c'est très inspirant". Mais ce n'est pas tout : elle joue également un rôle fondamental dans la recherche d'autonomie alimentaire, "dans ces régions tu as quatre saisons, des arbres fruitiers... c'est possible d'être auto-suffisant, là où au Royaume-Uni il faudra souvent acheter, importer, à moins que tu ne vienne vraiment de la région et que tu connaisses très bien ton environnement. Je ne dis pas que c'est une vie facile, mais c'est quand même un sacré avantage".

De la découverte à l’installation : le moment de choisir

Pour Delphine et son conjoint, le principal besoin était de bien mûrir leur projet : pas juste les activités qu’ils voulaient développer mais aussi la manière de vivre en collectif. Leur premier WWOOFing, ils l’ont fait au Canada, dans une coopérative : chacun vit chez soi, mais travaille sur un projet commun et collectif. Ils ont passé plus d’un an à faire du WWOOFing au Canada, puis en France. “Nous voulions retrouver cette entraide dans le milieu agricole, le côté sociable et le partage des tâches”. 

« On les a rencontré en allant faire du WWOOFing chez eux, cet été, et on était en accord sur nos envies. »

Et ça y est, ils l'ont trouvé. À la Chèvre Rit, près de Granville, Manon et son conjoint font du fromage depuis 10 ans, et cherchent de nouvelles personnes attirées par la vie en collectif - plus que par le type d’activité. Un autre couple est présent depuis un an, ils en cherchaient un troisième pour développer cette dynamique. “On les a rencontré en allant faire du WWOOFing chez eux, cet été, et on était en accord sur nos envies. On a emménagé dans un logement qui est sur la ferme, avec pour projet de s’associer à l’EARL. Nous travaillons ensemble sur les chantiers et partageons les astreintes, mais chacun est référent d’un pôle et développe ses propres projets. C’est un juste milieu, et c’est ce que nous recherchions". Pour l’accueil des WWOOFers aussi, cet équilibre est important à trouver “on ne veut pas accueillir des personnes toute l’année, c’est important de prendre le temps de se retrouver”. 

« L’info n’avait pas été transmise à tous les niveaux. On finit par s'énerver pour des futilités. »

Si autant de personnes insistent sur le besoin d’un espace où s’isoler, ce n’est pas anodin “le quotidien peut peser. Nous avons passé du temps sur des fermes où les espaces personnels sont communs, où on ne différencie plus la sphère privée de la sphère collective. Cela entraîne des difficultés : le moindre souci de communication engendre des problèmes de coordination et du coup une perte de temps et d’énergie. Par exemple, un fermier nous demande d’être présent au champ à 7h du matin et en fait il n’y a personne pour nous accueillir, car l’info n’avait pas été transmise à tous les niveaux. On finit par s'énerver pour des futilités”. 

"Nous voulions retrouver cette entraide dans le milieu agricole, le côté sociable et le partage des tâches" ©Delphine Renaud

Fortes de ses dizaines d’expériences sur des fermes différentes, Delphine recommande de bien profiter des expériences sur différentes fermes et de ne pas se lancer dans le premier lieu visité ”c’est important de se faire un avis”. Mais surtout, elle préconise de “bien se connaitre, savoir ce qu’on veut ou pas, connaître ses besoins et avoir son propre projet”.

Parfois, la solution, c’est une autre façon de vivre ensemble

Eco-lieu ne rime pas toujours avec vie en collectif. Ce choix, Alexis l’assume complètement “vivre en collectif est extrêmement difficile. Les relations humaines compliquent beaucoup les choses. Je préfère aller plus vite sur mes objectifs, et d’aider plus de personnes”. À la Grande Raisandière, il monte son projet avec sa femme : formations en permaculture, ateliers divers, découverte de plantes comestibles… Il accueille des groupes ou des WWOOFeurs pour quelques heures, quelques jours ou quelques semaines. Pour lui, un éco-lieu “ça ne décrit pas un état de fait, ça décrit un effort quotidien, pour chaque jour diminuer l’impact sur notre environnement”. 

WWOOFing à la Grande Raisandière, "une vingtaine de rencontres magnifiques, avec des personnes adorables"

Et l’expérience de WWOOFing est en ce sens une réussite “j’avais un a priori : je pensais que ce serait compliqué, et pas vraiment utile. Finalement ça a été une vingtaine de rencontres magnifiques, avec des personnes adorables”. La communauté, pour lui, ce n'est pas seulement qui vit sur le lieu mais toutes les personnes qui gravitent autour, qui y participent. “C’est vraiment ça ma définition de la vie en éco-lieu : concevoir un espace où tu puisses accueillir des gens pour les accompagner dans leur transition écologique, pas forcément vivre tout le temps avec la même communauté. En tous cas, c’est ce qui me donne le plus de plaisir.” Alexis a lui aussi dû faire cette transition : après avoir été journaliste de guerre pour la BBC, il s’est réinventé et travaille aujourd’hui dans la vente de panneaux solaires et les bornes de recharges électriques. Un jour, il a eu ce qu’il appelle “[mon] épiphanie écologique. Je me suis rendu compte que je ne faisais pas partie de la solution. J’ai tout changé : zéro déchet, plus d’avions,...”. 

Dans un cas comme dans l'autre, passer le cap de cette "transition écologique" n'est pas simple. Alors s'appuyer sur les ressources énormes d'un collectif peut aider, même si certains y voient surtout les blocages et difficultés engendrées. Entre les deux, peut-être peut-on aussi trouver un équilibre !


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