"On s'est rencontrés par hasard dans une épicerie. Hugo s'était fait alpaguer pour compléter une animation où j'étais inscrite". Quelques années plus tard, j'arrive sur les terres fertiles de ce couple amoureux. Rencontre avec Mégane, Lucas et Mélanie, d'autres arrivants. Les gestes agricoles et nos histoires de vie circulent. On parle ADDEAR, SAFER, BPREA, DJA... Dans le parfum magique des aromatiques.
Lilly et Hugo nous font visiter le terrain : 2h de plaisir partagé à arpenter les 10 hectares de leur ferme. On goûte les pêches sur l’arbre. Ça sent la camomille romaine. On picore des framboises au passage. Hugo s'arrête devant un grand châtaignier : "c'est la culture des châtaignes qui nous a sauvé la mise la première année." Il nous explique que c'est la combinaison des cultures qui leur permet un équilibre financier : plantes aromatiques et médicinales, petits fruits, pépinière, et châtaignes donc.
Au retour, Lili nous montre le trésor qui a provoqué le coup de coeur pour ce lieu : une source. Puis on va chercher quelques légumes pour le repas du soir. Le potager est adossé à un pan de mur qui engrange la chaleur. De petits melons se sont formés.
On fait connaissance en marchant. Lilly raconte "Je travaillais à Lyon dans une grande enseigne, une "herboristerie contemporaine", c'est à dire qui faisait aussi des compléments alimentaires, des produits hygiène/beauté... Mais ce sont les huiles essentielles, les hydrolats, l'herboristerie... qui résonnaient en moi plus que le reste. J'avais suivi une formation de naturopathe et je trouvais frustrant d'être juste une intermédiaire. J'avais envie d'être en contact avec les plantes directement. J'ai demandé un congé sabbatique qui m'a été refusé... Et le confinement est arrivé ! J'ai rejoins Hugo, mon conjoint, sur la ferme arboricole où il travaillait. On a réfléchi et écrit un projet commun, j'ai signé une rupture conventionnelle et en juin 2020, je partais passer l'été à découvrir les PPAM en WWOOFing.
À mon retour, j'ai passé un BPREA maraîchage option PPAM à distance avec le CFPPA d'Ariège-Comminges. J'ai beaucoup appris en stage aussi. Nous visitions des fermes dans le périmètre que nous avions déterminé avec Hugo, en Ardèche uniquement. Nous avons eu beaucoup de chance de pouvoir trouver si rapidement. C'est stressant l'installation mais on avait rencontré beaucoup de monde qui était passé par là. On explique tout ça aux personnes qui viennent chez nous aujourd'hui."
Hugo, lui était ingénieur en matériaux et a travaillé dans le contrôle qualité. "On m'envoyait dans plusieurs entreprises. Je n'étais pas toujours ok avec ce que je voyais. J'en avais marre d'être tout le temps dans la censure ou le blocage. J'ai d'abord demandé un aménagement de mon temps de travail pour m'investir dans l'associatif.
J'avais aussi une carrière de sportif semi-professionnel avec des sponsors et tout ça !" - Là, j'apprends qu'il a quand même fini 5e mondial au 400m haies à 19 ans ! -
"Un jour, j'ai décidé d'arrêter. Trop d'exigence et le sentiment de passer à côté de ma vie et de mes valeurs. Vivre pour gagner de l'argent, ça ne tenait plus. J'ai essayé de me défaire au maximum de la dépendance à l’argent. Je suis parti pour un tour de France, j'y allais au culot, je rencontrais des gens, je faisais de longues immersions dans la nature, je voulais me débrouiller seul. Alors je me suis formé à la cueillette de plantes sauvages, j'ai vécu de rien.
Et puis de fil en aiguille, j'ai rencontré des fermes. Je ne pensais pas du tout être agriculteur. Je m'imaginais plutôt dans l’artisanat. Jusqu'à ce que je décide de me former : j'ai fait un BPREA arboriculture."
Malgré tout les chantiers encore en cours et le volume de travail déjà accompli (Lilly et Hugo sont partis de terrains en friches !), il règne une étonnante ambiance de douceur et de simplicité. Je ne ressens pas de stress ici, ils n'ont pas l'air dépassés par les travaux. Ils ont l'air heureux et très amoureux. Je me demande comment ils se sont rencontrés. Lilly sourit : "Au hasard dans une épicerie."
"Je m'étais inscrite à une initiation bols tibétains qui était proposée par dans une épicerie à Lyon. Comme il manquait un peu de monde, l'animatrice a interpellé Hugo qui était juste de passage. Il a posé son sac et nous a rejoint..." C'était en 2017.
Il est temps de raconter nos aventures et de tisser nos histoires hors des sentiers battus.
Si vous tenez un journal/BD/Insta/blog/etc. de vos expériences, quelque soit sa forme, il pourrait contribuer à améliorer notre expérience collective. Faisons tourner les idées et les histoires ✊
La question de l'autonomie est importante pour eux. C'est aussi pour ça qu'ils ne veulent pas dépendre de l'aide bénévole non plus, même si ils l'apprécient. Je sens qu'Hugo a à cœur de bien faire à manger, de bien accueillir. Je les trouve généreux d'eux-mêmes. Je pense qu'ils doivent aussi être heureux de participer à former de futurs paysannes et paysans. Une autre forme de résistance à l'agro-industrie finalement.
C'est dans cette approche que Lilly raconte leur parcours d'installation "Ça peut être stressant, surtout la partie administrative. J'explique pourquoi j'ai fait le choix de demander la DJA (dotation jeune agriculteur) : on n'imagine pas les dépenses qu'on engage au début. La DJA, c'est un peu comme un prêt à taux zéro finalement et moi, ça m'a cadrée sur les attentes. C'est un peu de pression les premières années mais on s'est fait accompagnés par l' addear de l'Ardèche . Je pense que c'est ce type d'expérience qui est importante à connaitre aussi."
Question pratique, pas mal de choses circulent aussi. "Les WWOOFeurs.es qui viennent connaissent souvent déjà des choses. Ils manquent juste de technicité. On va quatre à huit fois plus vite qu'eux lorsqu'on cueille. C'est normal, les gestes s'apprennent en faisant. Mais il y a des choses à savoir pour gagner du temps. Par exemple, le bon geste pour récolter efficacement de la sauge : en pinçant la sommité à une main et en tirant vers le bas avec l'autre on peut laisser des petites feuilles au niveau des aisselles et ça permet à la plante de repousser. Inutile de tout cueillir.
S'outiller correctement permet un gain d'efficacité. Un bon paillage en début de saison fait gagner un temps fou de désherbage, je réussi à ne pas le faire si souvent en le faisant au bon moment. Mais aussi les bons gestes pour la taille de la menthe, la récolte de l'ortie..."
Sur place, Mégane et Lucas ont justement pour projet de s'installer sur leur terres d'origine, en Franche-Comté. Ils ont quitté Nantes il y a cinq mois pour apprendre au contact des fermes. Ils sont à la fin de leur périple, ils ont vu sept fermes en PPAM, fleurs comestibles, cueillette de plantes sauvages, production de plants potagers, fruitiers, châtaignes, maraîchage, agroforesterie, boulangerie paysanne. En on a pu expérimenter aussi la vie en collectif.
Lucas a complété sa formation d'ingé agro par un CAP boulangerie et a obtenu sa capacité agricole (une autorisation d'exploiter indispensable pour s'installer paysan ou paysanne en France). Cet automne, Mégane commence un BPREA, spécialité Plantes aromatiques et médiacinales (PPAM) dans le Jura , à Montmorot.
Leur vie est foisonnante d'expériences. Du montage de festival à la broderie sur vêtements de seconde main, en passant par le web et la photo, je vois qu'ils savent faire plein de choses. Maintenant, ils sentent qu'il est temps de construire des choses concrètes pour tous les deux.
"On aime accueillir et échanger avec des personnes qui souhaitent sincèrement découvrir la vie paysanne, alors on cherche des personnes motivées et autonomes, désireuses d'apprendre et de comprendre le milieu paysan avec l'envie de s'essayer à notre quotidien. Pour ceux qui envisagent de s'installer prochainement en tant qu'agriculteurs, on a pleins de conseils à vous fournir sur les démarches administratives, des conseils techniques et culturaux."
On quitte la ferme de Hugo et Lilly pour se rendre sur celle de Nolwen à quelques kilomètres. Sur place, on retrouve d'autres WWOOFeurs et WWOOFeuses, nous sommes un petit groupe lorsqu'arrive Christophe. Un herboriste d'une soixantaine d'années, figure bien connue de la ferme et des producteurs de PPAM. C'est un grossiste suisse, biologiste de formation qui produit, conserve et revend des plantes qu'il choisit avec un grande exigence. Il se rend sur les fermes et entre en dialogue avec le sol et les lieux. Cela fait longtemps qu'il rachète les plantes de Nolwen.
L’herboriste s'accroupit et sort des runes en bois de sa poche. Nous nous rassemblons autour de lui. Il nous parle du lieu, de son énergie et du niveau de connaissance des plantes qui a été atteint ici. Il remercie pour les soins apportés à ce terrain et pour la grande qualité des plantes qui y poussent. C'est un moment un peu sacré, magnétique, qu'on partage tous ensemble au fond du terrain.
C'est fort d'être ici pour moi, je me sens grandie par ses rencontres.
Que vous ressentiez le besoin d’être accompagné pour formuler votre projet, de rencontrer des paysans ou porteurs de projet sur votre territoire, ou de suivre des dispositifs de formation, cette carte vous permet d’accéder aux informations clés à propos des acteurs susceptibles de répondre à vos demandes et besoins, sur chaque territoire.
L'autrice, WWOOFeuse et photographe : Cloé Harent
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